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Le genre m'a tué.e.


Après deux mois de présence sur la toile, il était temps sans aucun doute possible, que « Fais pas Genre » se penche sur… le genre ! Et en ce moment où se préparent les fêtes de fin d’année, où déjà, les magasins sortent leurs friandises et leurs jouets de Saint-Nicolas, nous avons voulu vous parler plus particulièrement de cette éducation genrée qui repeint les détaillants de jouets dans d’infinies nuances de rose et de bleu, jusqu’à l’obtention d’une bouillie visuelle à gerber.

Le poids du genre sur tes épaules, ma sœur mon frère, te vient du plus profond des âges de ta vie. Il te traque depuis toujours, il conditionne toute ton existence, tes goûts, tes moindres faits et gestes, du plus superficiel (« Nan, t’es sérieuse là, tu me vois porter du rose ? ») au plus intime (« Arrête, pas l’anus ! ») ou le plus professionnel (« Bon, à la base, moi ce que j’aime c’est la mécanique, mais bon, en tant que femme, tout le monde me l’a dit hein, ça va pas quoi. »)

Et la tyrannie du genre a ceci de rusé qu’elle s’impose comme « naturelle ». On va t’expliquer que c’est une question de sexe biologique, les gens qui ont des zizis ne sont pas comme ceux qui ont des clitoris, point barre. Au passage, on jette du train les millions de personnes intersexes qui ne savent où ranger leurs clitoris géants et leurs zizis riquiquis, mais surtout, on t’explique qu’avec les zizis et les clitos, y a des zormones ! Aaaaaah. Tu fais moins le malin. Et qu’avec les zormones, viennent les différences de cerveaux. Sauf que non, les cerveaux des gens sont tellement différents chez tout le monde, qu’il est vraiment impossible de les classer en « cerveaux bleus pour garçons » d’un côté et « cerveaux roses » pour filles de l’autre.

De même, les hormones, ce qu’elles vont réguler c’est avant tout des caractéristiques physiques, les seins, les hanches, la pilosité… Puis elles jouent sur le désir, le plaisir, tout ça. Mais la testostérone ne transforme pas les gens en brutes, en chirurgien ou en ministre ! Les œstrogènes peuvent à la limite te donner une libido d’enfer, mais sûrement pas l’envie de faire douze enfants.

En fait, il n’y a pas de véritable corrélation entre le sexe biologique et le genre. Encore moins entre le sexe et l’attitude ou les aptitudes. C’est tellement vrai que, dans certaines sociétés océaniennes notamment, les rôles traditionnellement dévolus aux hommes et aux femmes sont carrément inversés (les hommes sont doux, accommodants, restent plus volontiers à l’intérieur, s’occupent du ménage etc. Les femmes sont entreprenantes, elles prennent en charge les activités extérieures, font du commerce, voyage jusqu’à la côte pour vendre la récolte…).

En fait, tout ce bordel hideux du genre, c’est culturel ! Tout t’est donné dans ton éducation.

Voyons un peu comment.

Tout commence avant même que tu pousses ton premier cri. Tu étais bien peinard dans le ventre maternel. Et au moment où, pour t’étirer, tu donnes quelques coups de pied, tes parents vont s’exclamer, s’ils ont vu à l’échographie que tu es un garçon : « oh, comme il est vigoureux, tu as senti ça ? Hahaha, il fera du foot, lui ! ». Et, si tu es une fille : « oulah ! Qu’est-ce qu’elle peut bouger, elle ! Elle va nous donner du fil à retordre… »

Alors, ok, j’exagère. Ou pas.

Et puis, quand tu es né et que tu as montré ton beau minois à ta famille, dès la maternité, on t’a mis dans une case. Si on a demandé à tes parents de te décrire dans ton premier jour de vie, ils auront répondu, si tu es une fille que tu es douce, calme, mignonne ou gentille et si tu es un garçon que tu es vigoureux, volontaire, grand etc. Dès la maternité, on t’a habillé en bleu ou en rose, avec des petits nœuds ou avec des petites bretelles…

Et quand tu es rentré à la maison, l’horreur a commencé.

Là, tes parents s’en sont donné à cœur joie. Des tas de recherches contemporaines ont montré que les parents favorisent le comportement social des filles (« souris à la dame ») et les performances physiques des garçons. Que leurs interactions avec le petit garçon sont plus vigoureuses, dès le stade de nourrisson. Par ailleurs, ils forcent les petites filles à se calmer, mais tolèrent les colères des garçons. Ils poussent les garçons à l’autonomie, et les filles à se trouver des protecteurs. Encouragent les jeux sexués socialement, les filles vont jouer à faire le ménage et à s’occuper des bébés, les garçons jouent à l’aventure et au camion. Ils découragent au contraire les activités inverses. Ils poussent les garçons à jouer dehors dès que c’est possible. Les filles sont invitées à rester bien au chaud.

Globalement, ils attendent de leurs fils qu’ils soient indépendants, sûrs d’eux, ambitieux et volontaires et de leurs filles qu’elles soient gentilles, aimables, attirantes, polies, bien élevées. C’est là la différence.

Et si, par une volonté de fer et un savoir-faire d'artisan, tu as réussi à préserver ton enfant des stéréotypes de genre jusqu'à l'école, sache que désormais, avec son entrée dans le monde scolaire, tes espoirs vont être réduits à néant.

Par les condisciples d'abord, bien sûr. Eux n’ont peut-être pas eu la chance d'éviter les stéréotypes de genre dont tu as voulu préserver ton enfant. Ils vont interdire aux filles de jouer au foot, ils vont bâcher le petit garçon qui s'approche des poupées, ils vont se moquer de celui qui a l'outrecuidance de porter du rose, du vernis ou des cheveux un peu trop long. Peu importe ce que ton enfant aime on n’aime pas, il doit faire des trucs de garçons s'il est un garçon et des trucs de filles s'il est une fille. Sans ça, il risque non seulement des moqueries, mais aussi des insultes voire des coups.

Interdire à une fille de jouer au foot est devenu d’un banal pitoyable. Et si, par hasard, un professeur s'oppose à cet état de fait, des sanctions vont tomber. Premièrement, la fille va recevoir des coups durant le match. Les garçons, rageux qu'on leur impose cette présence indésirable, vont s'en donner à cœur joie. Deuxièmement, leurs chers parents vont arriver en renfort. Toisant le minable professeur dissident, ils lui diront que, si les filles veulent se dépenser, elles peuvent toujours faire de la danse ou de la gym. Hors de question que l'équipe de leur gamin se tape un boulet qui ne sait pas jouer. (Je vous promets, je n'invente rien, c’est du vécu).

Quant à cette fille courageuse, qui s'acharne à jouer au foot, qui en plus peut refuser de mettre des jupes pour préférer les pantalons, et qui peut aller jusqu'à monter aux arbres, elle sera taxée de garçon manqué. Rien de grave me diras-tu. Sauf que si. Garçon « MANQUÉ ». Elle a manqué quoi cette gamine ? Elle est ratée en quoi ? Tu sens le côté péjoratif du terme garçon manqué ? Elle peut pas juste être une vraie fille en faisant tout ça ?

Pour le petit garçon, la menace est bien plus grande ! L'homosexualité rode (aaaah). Comme un prédateur prêt à s’emparer de l'enfant trop zélé pour aider (sa maman ?) à faire le ménage, qui joue aux poupées ou, comble de la féminité et signe infaillible d’homosexualité, le petit garçon qui veut mettre du vernis rose sur ses orteils (tu l'entends la musique des Dents de la mer ? Fais gaffe quand-même !)

Et les professeurs eux-mêmes peuvent ajouter aux stéréotypes ambiants. Inconsciemment parfois, involontairement bien sûr (enfin, j’espère). Certains professeurs transmettent leurs propres stéréotypes bien ancrés à leurs élèves. Le professeur de gym peut, par exemple, faire un atelier danse pour les filles et un atelier foot pour les garçons, comme on en a déjà parlé. Il s'étonnera alors de voir les uns vouloir aller dans les ateliers des autres. Mais cela peut être bien plus insidieux encore. “Colorie en bleu ce qui s'accorde avec un article masculin (un ou le) et en rose ce qui correspond à un article féminin (une ou la)”. Un exercice simplissime. Banal. Quotidien. Et pourtant, un ancrage de plus dans ces stéréotypes honnis.

Quant aux punitions, elles seront bien sûr conséquences de cet état de choses. “C'est si laid une petite fille qui dit des gros mots.” Bien sûr, parce qu'un petit garçon obscène, c'est une douce musique à mes oreilles.

Et ce discours est appuyé de façon complètement décomplexée par les manuels scolaires. Des études régulières et récentes montrent que les métiers à responsabilité sont dans la grande majorité des cas représentés par des hommes. Nous verrons ainsi le docteur et son infirmière, le directeur et sa secrétaire, etc. La pratique du sport et la lecture du journal, elles aussi, sont exclusivement détenues par des hommes. Aucune femme ne lit jamais le journal dans un manuel scolaire. Par contre, les tâches ménagères sont occupées quasiment exclusivement par les femmes. Encore une fois, où est le problème me diras-tu ? C'est vrai, la famille est là pour compenser ce manque de représentations réalistes dans les manuels scolaires. Sauf que non. Les études montrent que les conséquences de ces manuels sont non négligeables. D'abord, du côté des femmes, un faible engagement pour les métiers scientifiques ou à responsabilité et une quasi obligation de se tourner vers la sphère maternelle et familiale. Autrement dit, ne vise pas trop haut professionnellement et fais-nous des enfants, que tu en aies envie ou non (mais pourquoi tu le voudrais pas d'abord ? T’es pas normale ou quoi ?). Du côté des garçons, la valorisation incessante de la force, du fait de se débrouiller sans demander d'aide aussi, entraînent des comportements perturbateurs voire violents. Comportements qui, à leur paroxysme, peuvent amener des ennuis juridiques aux garçons devenus hommes.

Ne parlons même pas (ou si tiens, parlons-en) du peu de représentation des orientations sexuelles autres que hétéro. Elles sont inexistantes. Donc, pour le garçon comme pour la fille, si tu n'es pas hétérosexuel, tu ne corresponds pas au modèle que l'on te présente depuis ton plus jeune âge (tu n'existes pas oserais-je dire) Et débrouille-toi avec ça.

Et ne comptez pas vous donner bonne conscience avec une petite animation extrascolaire. Rien n'est prévu. Vous pouvez avoir une sensibilisation des élèves au racisme, à l'homophobie ou à tout autre discrimination. Mais sur la discrimination sexuelle, rien n'existe à destination du primaire. En tout cas, rien à Liège. Si vous insistez vraiment, on peut vous envoyer un dossier pédagogique que vous pourrez adapter éventuellement. Mais aucune équipe d'animateurs ne pourra se déplacer.

Donc c'est sans espoir, nous sommes cernés. Le stéréotype ennemi est partout. Nous encerclant insidieusement. C'est fini. C'est perdu d'avance…

T’y as cru ? Franchement ? C'est notre genre jusque-là de baisser les bras ? Bien sûr que non!! Alors, voilà la Saint-Nicolas qui approche. Achète des petites voitures à ta fille et des poupées à ton fils. Fais scandale à l'école si on ne veut pas les laisser jouer à ce dont ils ont envie. Dis-leur et répète-le aussi souvent que nécessaire (à eux et aux autres) : Ils font ce dont ils ont ENVIE. Si ton fils veut mettre du vernis il en met. Et ça peut être un chouette moment de faire ça avec lui. Que tu sois son papa ou sa maman d'ailleurs. Et si ta fille veut faire un stage de foot, débrouille-toi, c'est ton rôle (oui c'est un peu culpabilisant là, désolée). Passe des dizaines de coups de fil si il faut et si ça ne suffit pas, on organisera un stage de foot à nous trois, tu peux nous contacter.

Tu vois l'idée ? En un mot comme en cent, on ne laisse pas tomber. Et plus on sera à ne pas laisser tomber, plus facile ce sera. Alors je ne dis pas que tu ne vas pas étonner certains, défriser d'autres, mais on peut bien faire ça pour nos enfants.

Et quand leur vie sera épanouie, qu'ils feront ce qu'ils aiment, sans considération de genre, ils nous diront merci.

Al & Xa

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