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Sujet sang-cible.


Te souviens-tu, dans un précédent article sur les tabous, nous avions expliqué que la sexualité correspond au mieux à leur définition, à mi-chemin du sacré et de l’interdit. Si tu ne te souviens plus, le lien est ici: https://xavierlieben.wixsite.com/faispasgenre/single-post/2017/08/31/tu-tes-vu-quand-tabou.

Alors, question à 1000 points: qu'est-ce qui est aussi tabou ET exposé que le sexe? Le corps de la femme! Et dans ce corps, quel est le paroxysme du tabou? Indice? C'est rouge et ça arrive aux femmes une fois par mois… Alors? Ce sont les… les… RÈGLES (oulala, on l'a dit tout haut?!). As-tu remarqué comme le sang qui coule du vagin de la femme tous les vingt-huit jours est frappé d’omerta? (tu as vu, on a dit vagin et sang dans la même phrase. Comme ça, d'entrée de jeux. On y va fort !). Dans la pub, ce liquide est d'un joli bleu. Quand on a besoin d'une protection, on chuchote. Le mâle, même bien apprivoisé, n'acceptera qu'avec réticence d'aller en acheter au supermarché du coin. Chuuut!

"Avoir ses fleurs", par Mona-Lena.

Et ce n'est pas récent ! Depuis la nuit des temps semble-t-il, les menstrues inquiètent, répugnent, fascinent. Des textes aussi anciens que le Code d’Hammourabi (bien connu de celles d'entre vous qui vivaient en Irak il y a 4000 ans) prévoient des sanctions pour le couple qui ferait le sexe pendant l’épanchement ô combien terrifiant. En gros, ça donne un petit trip en amoureux : on vous coud ensemble dans un sac et on vous « purifie », définitivement, dans le courant bienfaisant du Tigre ou de l’Euphrate. Dès l’époque babylonienne, les humains mirent au point des dispositifs internes au vagin, destinés à empêcher le sang si impur d’abreuver les sillons innocents de la terre… Dans la Bible et le Coran de même, les menstrues sont impures et la femme qui saigne doit se cacher loin loin au fond du jardin, dans l’enclos des lapins, et si d’aventure un homme lui rendait une visite intime et bien, bim ! Impur lui aussi. Enclos des lapins.

Et le plus terrible, c’est que partout dans le monde, à toutes les époques, et dans toutes les civilisations, on trouve systématiquement les mêmes peurs, le même dégoût, le même rejet, le même enclos (bon, parfois, c’est l’enclos des lamas…).

Et si? Et si ce n'était pas si honteux? Et si, carrément, on y voyait un cycle de la nature? (oui oui, on est des fous de dire ça). Un cycle de 28 jours. Comme le cycle de la lune? Et là, BAM. D'autres y ont pensé! Pour ceux là, la lune et la femme sont étroitement associées ! Depuis les temps immémoriaux, le lien entre les vingt-huit jours de leurs cycles respectifs avait été remarqué. Les peuples les plus anciens, ceux qui avaient eu la sagesse de faire des femmes des guides plutôt que des larbins, liaient symboliquement la lune à la femme et le soleil à l’homme. La lune, grande Déesse, patronne des germinations lentes, faisait son œuvre de nuit et comme par magie tandis que les dieux travaillaient de jour et d’un travail routinier, moins magique. En ces époques à peine perceptibles aujourd’hui, le ruissellement du sang sur la cuisse des femmes était tout entier rangé du côté des merveilles. On l’associait aux saisons, à la magie, à la beauté, à la vie bien sûr, à la mort un peu. Temps heureux…

Une étudiante canadienne publie cette photo sur Instagram. Le site la supprime! Oui oui, Instagram, le site où tu as autant de fesses que de photos de vacances... Bon, pour finir, après de longs débats, ils l'ont remise. Mais quand-même!

Et puis. Et puis sont arrivés les grands barbares blancs, les guerriers, les cavaliers… Et bien sûr, ils n’eurent aucun mal à réduire en poussière les anciennes civilisations matriarcales qui ne connaissaient ni la guerre, ni l’argent, ni la possession, ni le mariage. Et pour ces grands cons d’hommes, la Déesse en ce qu’elle peut être incarnée par n’importe quelle femme, en ce mystère profond et insoluble du cycle du sang et de la vie, faisait vachement peur. Il fallait conjurer ce qui aurait dû au contraire les contraindre à l’humilité… C’est alors que naquirent les récits de terreur ! Les menstrues monstrueuses. Tu es prêt? Ça fait peur (genre récit d'Halloween. En fait, on est raccord avec le calendrier). On s’en donna à cœur joie! Les hommes finirent par inventer la poésie macabre et la magie noire, les sorcières (et les crapauds), juste pour nous tenir tous éloignés de ce qu’il restait de la grande Déesse en chaque femme : un ventre rond ou quelques gouttes de sang, suivant les mois.

L’un des plus anciens témoignages de ce type est certainement celui que laissa Pline l’Ancien. Il considérait la perte menstruelle comme un poison fatal. Par sa vapeur ou son seul attouchement "les vins nouveaux s’aigrissent, les semences deviennent stériles, les greffes des arbres meurent, et les fruits en tombent tout desséchés, les jeunes plantes en sont brûlées, la glace des miroirs se ternit à leur seul aspect, la pointe du fer est émoussée, la beauté de l’ivoire effacée, les abeilles en meurent, le cuivre et le fer s’enrouillent aussitôt, l’air en est infecté, et les chiens qui en goûtent enragent. Les averses de grêle, les tornades de vent s’écartent si le fluide menstruel est exposé à un éclair et les tempêtes ne s’approchent pas." Non mais tu imagines la puissance du truc?! Gars, tu crois vraiment qu'on se ferait chier à faire le ménage et laver tes toges avec une telle arme à portée de vagin? Non mais arrête la drogue! Au XVIe siècle, Paracelse, alchimiste et médecin, regardait encore le sang menstruel comme le plus puissant des poisons et assurait que "le diable en produit les araignées, les puces, les chenilles et tous les autres insectes dont l’air et la terre sont peuplés." Vous voyez, les mecs (de l'époque), une fois qu’ils partent dans les délires poétiques, rien ne les arrête !

En plus du rappel de ce pouvoir autrefois accordé à la femme, une autre raison de la honte forcée qui entoure les règles réside dans l’attention qu’elles attirent vers le sexe féminin. L’évolution de l’homo erectus, lorsque l’homme s’est redressé par-dessus les hautes herbes de la savane, a transformé à la fois l’inclinaison de son cerveau, mais aussi celui de son petit cul… et de ses organes génitaux. Dans cette station verticale, le sexe féminin qui était visible est devenu invisible. Ce sexe que même nue la femme ne laisse pas voir. Bien dissimulé sous la maille des poils pubiens (à l'époque, l'épilation intégrale est très peu à la mode). Seul le sexe masculin reste visible. Dans ces conditions, la traînée de sang se mue en flèche inversée. Elle indique, elle divulgue l’existence du vagin, du sexe, autrefois offert, reniflé, contemplé et à présent forclos. D’où, surcroît d’anathème (le sang, c'est mal), surenchère de terreur… Pour certains esprits chagrins, le sang menstruel étant poison terrible, il fallait se méfier. Mais genre fort. Les rapports sexuels pendant les règles relevaient dès lors du suicide voire pire, de l’hérésie, de la foi dans la grande Déesse lune. Ils étaient punissables de mort (si tu n'étais pas déjà mort empoisonné évidemment, tu suis?) et ont subi des interdits religieux jusqu’au 18ème siècle.

DIX-HUITIÈME SIÈCLE. Pour rappel, aujourd'hui, c'est le 21ème siècle. Tu sais ce que ça représente 3 siècle? Pense à la dernière fois que ta mère t'a sonné pendant une heure. C'était long? Ben 3 siècles, c'est plus! Alors on peut peut-être passer à autre chose non? C'est du sang. Comme quand tu te blesses. C'est pas honteux. Ni dégueu. Alors on arrête? On ne se cache plus. On ne murmure plus. Et si on fait une tache, ben c'est pas un drame (sauf si c'est sur un petit pantalon blanc que tu viens d'acheter à un prix exorbitant). Allez, on PEUT le faire!

Al & Xa

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