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Big Sister is Watching You!


« Je suis dans un bar. J'attends une amie. Une femme entre. Aussitôt, mon scanner se met en branle : corps, coiffure, vêtements, démarche, façon de rire, de parler... J’analyse tout. Je remarque tout. Très vite. Je vois. Et je juge (trop mince... ne mange pas assez, trop grosse...mange trop, rit fort... séductrice, TOUT). Ce jugement sera bien sûr au désavantage de la sondée. Puis mon amie arrive. Elle m'annonce qu'elle va se marier. Et là une grosse couche de bitume d'envie se forme dans ma gorge. Oui oui, je suis contente pour elle. Mais moi ? Pourquoi chouchou ne m'a-t-il toujours pas fait sa demande ? Et elle, elle va sûrement avoir une robe très chère... Et pas si belle, forcément. Et ses parents vont tout payer, elle est vraiment trop gâtée… » …

L'auteure de ces réflexions est une femme, et vraiment complexée qui plus est ! Elle est envieuse, incapable de se réjouir pour son amie. Elle se pourrit la vie. Sauf que l'auteure de ces lignes, c'est un peu toutes les femmes. Toutes nous avons déjà ressenti ce malaise, cette envie, cette rivalité. Toutes, nous sommes rivales. Ça ne nous apporte rien. Aucun bénéfice. Aucun plaisir. Au contraire. On souffre. Juger les autres nous rassure parfois un peu, mais souvent (surtout quand l'autre est “plus”, “mieux”), on est mal, stressées, tracassées. On déteste plus encore être jugée. On se juge et on se sait jugées. Et ça nous blesse. Chez certaines, cette rivalité est tellement exacerbée qu'elles ne pourront jamais construire de véritables relations d'amitié entre filles, voire entre sœurs, ou pire, entre mère et fille. De plus, ce jugement ne sera jamais franc. On va le penser, le partager avec quelques alliés choisis, mais jamais au grand jamais nous n'allons en parler à l'intéressé.e. Nulle explication n'est donc possible. A de rares exceptions près, jamais ces jugements ne deviendront des critiques constructives que l’on formulera face à l'autre. Pas de bagarre, pas de cri, pas de conflit ouvert. Une guerre froide, sans pitié, mais sous couvert de sourire. Mais alors pourquoi ? Pourquoi nous jugeons nous mutuellement ? Pourquoi continuons-nous de nourrir cette rivalité ?

De multiples explications existent. Certaines, les plus malhonnêtes vont dans le sens de l’essentialisme : les femmes sont comme ça parce que ce serait leur nature profonde. Elles sont rivales depuis le berceau parce que Dieu (ou un Truc du genre) les veut rivales face au mâle. Plus sérieusement, mais sans arriver vraiment à nous convaincre, d’autres vont chercher une explication du côté de la psychanalyse. Selon Freud (ce cher Sigmund encore !), la mère est la rivale fondamentale de sa fille, puisqu’elles cherchent toutes deux à plaire au père. Pour Lacan, la mère “ravage” la fille en l’empêchant de devenir femme à l’adolescence. Ce serait donc cette rivalité qui serait la source de nos rivalités d’adultes. Dallas version psychanalytique ! Nous ne pouvons nous retenir de trouver l’explication fort courte. Genre : pourquoi c’est comme ça ? C’est la faute de ta maman !Comme c’est original, vraiment.

Une dernière explication repose sur un construit sociétal : ce serait la société qui, au travers des médias, de la presse, de la pub, de tout ce qui lui permet de communiquer, façonnerait le regard que l’on porte sur les femmes. Un regard qui convient mieux aux objets (ou aux plantes vertes) qu’aux êtres humains. On regarde la femme détail par détail ,on fragmente ( dans la pub, par exemple, il n’est pas rare de ne voir que les jambes de la femme) et le regard est accroché au passage par les défauts inévitables que les femmes réelles accumulent forcément. Ce regard, humiliant par essence, devient vite naturel aux hommes, qui se permettent souvent des remarques terriblement blessantes (et publiquement, pare qu’où il y a de la gène, il n’y a pas de plaisir) ; puis aux femmes, qui s’entre-critiquent pour faire pareil (puis pour détourner un peu l’attention aussi, avouons).

Si le sujet vous intéresse, Emma avait fait une chouette BD sur le sujet.

Vous pouvez la lire ici :

Pouvons-nous échapper à ce construit mortifère ? Sans doute. Et de plusieurs façons. Si, par exemple, la sororité faisait loi plutôt que la rivalité ? Tu imagines l'horreur ? Des femmes qui se soutiendraient ? Mieux, qui s’aideraient ? Qui se couvriraient quand elles font un truc pas bien (genre harceler quelqu’un, voire pire) ? Qui se trouveraient des excuses les unes aux autres (“normal qu'elle le trompe, il est tellement chiant !!”) ? Mais… mais… ouiiii, ça existe ! Ça s'appelle des mecs ! (Deuxième degré les gars, on ne s'excite pas, on sait que vous n'êtes pas TOUS comme ça, ou alors pas vraiment jusqu’au bout.) Mais plus sérieusement, ça donnerait quoi ? Ferme les yeux (ah non tu lis, zut). Bon mais imagine. On ne se détaillerait plus. Ou plus négativement en tout cas. On poserait un regard bienveillant les unes sur les autres : Oh elle a de la cellulite (comme nous toutes). Ça lui va bien. Oh il est cool son pull. Oh aujourd'hui, j'ai envie de mettre une jupe. Zut elle est un peu courte. Mais personne ne va me critiquer. Et si par malheur un inconnu dans la rue m'insulte pour ça, les autres femmes interviendront, mouchant prestement le malotru.

Ça n'arrangera pas tout le monde bien entendu. Cette rivalité est bien commode pour entretenir le patriarcat. Diviser pour mieux régner. Pour la violence d'abord. Si une femme en est victime, arguer qu'elle l'a cherché, que d'une façon ou d'une autre, c'est sa faute (elle aurait dû partir/réagir/ blablabla), est aisé. Cette justification vient même des femmes de son entourage en priorité ! Pour le travail aussi. Inutile de mettre (trop) des bâtons dans les roues aux femmes de l'entreprise, elles le font très efficacement entre elles. Une étude de l’université du Maryland, par exemple, a montré que, lorsqu’une femme atteint un niveau supérieur dans une entreprise, les chances des autres femmes de s’élever hiérarchiquement chutent de 50%. Okayyyyyyy. En 1973, une longue étude étasunienne a mis en évidence le « Queen Bee Syndrom », syndrome de la reine des abeilles. Le principe ? Bon, tu vois, dans la ruche ? Quand une reine nait, ses copines d’alvéole voient leur espérance de vie fondre comme neige au soleil… Et dans le monde du travail, c’est pareil, les femmes passent leur vie à se flinguer sur le plan carrière. Et il existe des dizaines, des centaines d’études comme celles-là… Et on se dit oui, bien sûr, on le sait, ça. Les filles, ça se déteste. Les femmes, ça se joue des tours pendables. On le voit déjà dans les Walt Disney. On le voit déjà dans les cours de récré à la maternelle. Ah mais, attends attends. D’un coup, là, ça me revient, on ne voit pas que ça dans la cour de maternelle. Là, les filles, elles jouent ensemble, elles rigolent, elles s’aident. Et s’il est vrai que les Walt Disney montrent énoooooormément de femmes qui rivalisent, ce sont aussi les films qui colportent les stéréotypes machistes, genrés et patriarcaux les plus glaireux, non ? Donc, tu vois, ici également, on retombe sur le construit sociétal. Une sorte de prévention-protection contre une éventuelle entente entre femmes (Non mais, faut pas déconner). Un « diviser pour mieux régner » étendu à l’échelle de l’humanité entière.

Heureusement, des femmes réagissent, notamment dans le milieu du travail. Une étude du Workplace Bullying Institute est arrivée au constat suivant : si les femmes qui ont une conduite intimidante ou humiliante s’en prennent majoritairement à une autre femme plutôt qu’à un homme, les hommes restent les plus coutumiers du fait puisqu’ils représentent 69% des tyrans, contre 31% des femmes. En 2013, un rapport sur les relations de travail en France a montré que 50% des discriminations contre les femmes étaient le fait d’hommes occupant une position hiérarchique dominante, contre 2% pour les femmes dans la même position. Alors, vous allez me dire qu’il y a moins de femmes qui occupent ces postes dominants. Vrai. Mais tout de même. 50% contre 2%, on a de la marge ! Mais je continue. D’une façon générale, les femmes sont plus enclines à se donner des coups de main et à se renvoyer l’ascenseur (oui, tu as bien lu, elles s’AIDENT). 65% des femmes qui ont été aidées dans leur carrière vont tendre la main à leurs jeunes collègues féminines, contre 50% des hommes. Donc, il y a du mouvement, il y a de l’espoir. Vous en voulez encore ? Depuis 2006, le nombre de réseaux professionnels féminins ne cesse d’augmenter. L’un des objectifs est d’éviter que des hommes piquent les idées des femmes de leur entreprise (oui, ils font ça, les salauds !). Comment on fait ? Et bien on fait de la pub pour la copine. Une femme a une idée ? Tout de suite, le réseau le fait savoir en citant systématiquement son auteure. « Tu sais ce qu’elle a imaginé, L. du service marketing ?» … Et ça marche. Ces réseaux commencent même à s’organiser en comités interprofessionnels.

Et dernièrement, un truc sans précédent est arrivé. « MeToo » et autres « Balance ton Porc ». Suite à l’affaire Weinstein (pour ceux qui n’aurait pas de communication avec l’extérieur, c’est un producteur qui a abusé sexuellement de dizaines de femmes), des témoignages sont arrivés. Au début, comme d’habitude, les victimes ont été prises à parti, dénigrées, culpabilisées. Puis, de partout, des voix se sont élevées, des femmes de tout âge ont dévoilé les abus qu’elles avaient subi. Elles ont fait bloc. Elles ont dit : « Non, ce n’est pas sa faute ! Et moi aussi, ça m’est arrivé, et ce n’était pas ma faute ! ». Et lorsqu’un homme un peu plus lent intellectuellement n’avait pas encore compris (on ne peut pas avoir que des gagnants dans son équipe les gars) et intervenait pour minimiser ou relativiser, il se faisait basher par une bande de femmes en colère et très solidaires. Recadré direct le gars ! BAM.

Alors nous, on vous le dit, il se passe quelque chose…

Al & Xa

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